Merci Shifty
Long time no see!
Voici donc le
weekend de rêve à Tokyo.Si je vous parle du weekend que j'ai passé à Tokyo du 6 au 7 février
dernier, ce n'est pas pour faire le malin ou pour attiser les jalousies, mais
pour partager une évidence que j'oublie souvent: c'est quand on s'attend
à rien qu'on est le moins déçu.
Depuis que j'habite en Corée, j'ai la chance de pouvoir me rendre
régulièrement au Japon. Comme beaucoup sur ce forum, j'ai toujours été
fasciné par la culture japonaise, ou, du moins, par tout un pan de celle-ci.
Je me réjouis donc en général d'aller faire un tour là-bas pour écumer les
boutiques et déguster de nouveaux plats (la cuisine japonaise me
convient particulièrement bien).
Or là, j'étais un peu tiède. Lors de mon dernier voyage, en effet, j'avais
trouvé les japonais tristes et névrosés. Les filles sont très bien sapées,
parfois avec beaucoup de fantaisie, mais leurs visages reflète une
solitude glauque. L'opulence marchande n'arrive plus a cacher le
sentiment d'une existence étriquée et insulaire. Comme partout, me
direz-vous. Mais c'est à Tokyo que ça m'a le plus frappé.
Je partais donc sans plan précis, sinon ceux qui m'attendaient à mon
retour. D'habitude, je descends à l'Excel, un hôtel pas trop cher en plein
Shibuya que je vous recommande si vous passez quelques jours à Tokyo.
Mais cette fois-ci, par un concours de circonstances, je me retrouve au
Hyatt de Shinjuku. Oui, c'est un bon hôtel mais enfin, c'est le quartier des
affaires... Me levant tard le samedi matin, je propose à ma femme d'aller
manger un truc vite fait, un sandwich ou une soupe de nouilles, au bistrot
le plus proche avant de nous mettre en route. Elle me regarde avec un
sourire en coin: "Je ne crois pas qu'il y ait grand chose en dehors de
l'hôtel". Elle décroche le téléphone et je crois qu'elle nous commande un
petit déjeuner en chambre (ma femme parle très bien le japonais).
Lorsqu'elle m'annonce qu'elle a réservé pour le déjeuner chez Troisgros,
j'apprécie la métaphore.
Mais pas du tout. A ma stupéfaction, il y a bien un restaurant Michel
Troisgros dans notre hôtel. N'allez pas croire que ça m'arrive tous les
jours: ça fait bien dix ans que je n'ai pas mis les pieds dans un restaurant
gastronomique. De toutes façons, en Asie, on ne trouve presque pas de
bonne cuisine française. J'étais donc sur un nuage: jeune maître d'hôtel
français forcément onctueux, chef de cuisine ex-second chez Troisgros,
ribambelle de plats minuscules aux combinaisons de goûts complexes. Et
sans vin, ça reste raisonnable.
Après un tel festival, j'étais jouasse pour la journée, qui était pourtant loin
d'être terminée! Je vous passe les détails du shopping dans un grand
magasin de Shinjuku et de la très plaisante atmosphère d'un printemps
précoce. Le soir, nous nous retrouvons a Shibuya, et qui dit Shibuya dit
passage obligé au Mandarake local. "Juste pour jetter un oeil".
Mandarake, c'est donc cette fameuse chaîne de magasins pour otaku, lieu
de perdition pour nous tous.
Je promets de faire vite. Il va falloir être systématique et prendre
des décisions rapides et sans appel. Face aux hallucinantes rangées de
kaijus et de toys, vintage et récents, où le prévisible côtoie l'improbable,
il va falloir rester stoïque et se limiter à, disons, deux ou trois pièces. Mais
la transe se fait de plus en plus palpable à mesure que je scanne les bacs
des soldes et des occasions et que je découvre des jouets aperçus dans
vos showrooms, ou leurs variantes bariolées.
Et puis soudain, posant négligemment les yeux sur un recoin que je
croyais avoir déjà examinée, je la vois. La perle noir qui exauce tous les
voeux, l'objet magique qui n'a de sens que pour le collectionneur qui ne
l'esperait pas: le Fulcraim Proto Black. Je n'y crois pas. Je regarde la
chose sous tous les angles a travers son emballage translucide. Mais la
carte l'atteste bien: le deuxième sur les quarante-quatre prototypes
produits. Et à un prix dérisoire!
Voila pour l'indispensable. Je prends encore deux bricoles et j'embête
encore un peu ma femme, qui voit bien que je plane, en lui demandant de
m'aider a questionner un vendeur sur les éventuelles "encyclopédies de
yokai" de Shigeru Mizuki. Ça tombe bien, il n'y a que ça. Je repars avec
quatre livres sous le bras. La soirée se termine avec de la bière et des
sushis, un repas dont j'ai du mal a croire qu'il n'était pas le meilleur de la journée.
Bref, ce weekend m'aura réconcillié avec le Japon et avec la notion de
sérendipité. Durant le vol du retour, j'aurai même droit à une magnifique vue du Mont Fuji. Avec la légère brume sur l'horizon et le bleu
intense de la haute atmosphère, on dirait presque une gravure d'Hokusai.
Et puisqu'on avait parlé sur le forum des bouquin de Shigeru Mizuki sur
les Yokai, j'ai mis quelques photos des quatre livres que j'ai rapporté
sur mon Flickr.
Ils sont très bien, sauf le dernier, qui reprend des scènes célèbres de
gravures d'Hiroshige en y incorporant des yokai. Le problème du livre,
c'est qu'il contient non pas les gravures (superbes) créées par Mizuki et
un maître graveur, mais une version scannée du dessin colorisée à
l'ordinateur. :-( Comme je connaissais ce projet, c'est le seul livre que j'ai
acheté sans l'ouvrir!